Depuis près de treize ans, Black Mirror scrute nos habitudes, notre relation à la technologie et les travers de l’humanité. La série anthologique a connu des hauts et des bas, chaque épisode se démarquant. Avec cette saison 6, un nouveau cap est franchi, amorçant un changement de direction.
Black Mirror, la série de Charlie Brooker, a pris son temps avec six saisons en treize ans. Une décennie où elle a su surprendre, briller, et parfois décevoir. La saison 5 en 2019 était moins percutante, donnant l’impression que les scénaristes manquaient d’idées, même si la fiction continuait de tenir la réalité à distance (pour combien de temps encore ?).
Après une pause qui laissait penser que la série était peut-être terminée, Netflix a décidé autrement. Quatre ans plus tard, voici une nouvelle série de cinq épisodes qui cherche à prouver que Black Mirror a encore des histoires à raconter.
Le principe reste le même : la saison 6 de Black Mirror peut être regardée dans n’importe quel ordre, chaque épisode proposant une histoire totalement indépendante. Et comme toujours, on y découvre des sujets fascinants, des réflexions profondes et des idées à remettre en question.
Le premier épisode de la saison, intitulé « Joan est horrible », n’est pas choisi au hasard. Une femme découvre que sa vie est dépeinte dans une nouvelle série, la transformant en un personnage odieux qui détruit son existence. Le scénario suit la tradition de Black Mirror en explorant notre relation avec les écrans.
Les scénaristes n’hésitent pas à critiquer ouvertement leur employeur, la célèbre société au logo rouge. L’idée aurait pu être plus séduisante si l’on pouvait croire en une véritable impertinence plutôt qu’en une opération de communication de la plate-forme de streaming elle-même, utilisant l’ironie pour dissimuler le cynisme de l’entreprise.
Black Mirror – Saison 6 | Bande-annonce officielle VF
Black Mirror, vraiment ?
Cet épisode de reprise annonce un nouveau chapitre pour Black Mirror, avec des changements auxquels il faudra s’habituer. Les épisodes suivants, bien que différents les uns des autres, explorent un même thème : le retour en arrière. La science-fiction cède progressivement la place au présent (Loch Henry) et à des uchronies où le passé devient le terrain de jeu des scénaristes. Les débuts des années 2000 (Mazey Day), les années 70 (Démon 79), les années 60 (Mon cœur pour la vie) : Black Mirror abandonne la narration du futur pour réécrire notre passé.
On perçoit un changement dans l’esprit même de la série. Bien que certaines critiques acerbes envers l’industrie soient encore présentes, comme dans la fin de « Loch Henry » ou l’épisode « Mazey Day », Black Mirror se recentre principalement sur l’exploration de l’âme humaine avec une approche plus intime. Cela se manifeste particulièrement dans l’épisode remarquable « Mon cœur pour la vie », où deux astronautes en mission spatiale maintiennent leur vie terrestre grâce à des copies robotiques. Une tragédie poignante, bien que prévisible, qui allie l’ancien Black Mirror avec sa dimension de science-fiction et le nouveau Black Mirror qui raconte des histoires déconnectées de la technologie.
La série a opéré une transformation nécessaire pour se renouveler et proposer des histoires potentiellement plus simples, mais toujours captivantes lorsqu’elles sont bien écrites. Cependant, il est crucial de trouver le bon équilibre. À cet égard, il est déconseillé d’enchaîner les épisodes « Loch Henry » et « Mazey Day » en raison de leur différence qualitative marquée. Tous deux sont des séries B horrifiques, mais le premier est glaçant et réussi, tandis que le second souffre d’un discours double déjà vu maintes fois.
Petits épisodes pour grands noms ?
La saison 6 de Black Mirror se résume en deux épisodes solides (Loch Henry, Mon cœur pour la vie), un épisode promotionnel (Joan est horrible) et deux épisodes moins marquants (Mazey Day et Démon 79). Mais tous partagent un point fort commun : un casting talentueux capable de sauver n’importe quel scénario imparfait.
Black Mirror continue d’attirer des acteurs renommés, et cette saison débute en force avec une Salma Hayek truculente jouant une version caricaturale d’elle-même. Josh Hartnett, Aaron Paul et Kate Mara brillent dans des aventures spatiales, des romances sombres et la toxicité masculine. Zazie Beetz doit différencier la femme de l’artiste pour sa survie, et Paapa Essiedu s’amuse en démon se faisant passer pour un membre de Boney M. Autant de raisons de ne pas bouder la saison 6 de Black Mirror.